La boîte à idées - Le blog de Jean Chambard

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Le Comptoir Général

 

Paris, le 20 février 2017



Un couple d'amis nous a invités un dimanche matin à découvrir le Comptoir Général, à l'occasion d'un brunch. En couple hyper-connectés, à défaut d'être hyper chébran, nous avons donc jeté un oeil rapide aux différents avis qui fleurissent sur le Web, tant dans la presse professionnelle que dans les blogs amateurs. Et surprise, les avis étaient nettement partagés. Oui je sais, il y a a toujours l'éternel insatisfait, le jaloux ou le médisant qui aime salir son voisin ! Mais là, on frisait plutôt le 50/50 : de l'article le plus dithyrambique au billet le plus haineux. Ne restait donc plus qu'à juger par nous mêmes.

 

L'arrière cour de la cabane de l'oncle Tom

Le comptoir général se situe au 80 quai de jemmapes, à Paris. Sur les quais du Canal Saint-Martin donc. Enfin presque. Parce qu'au 80, il n'y a qu'une petite ruelle qui ne paye pas de mine et qui conduit au comptoir, caché derrière un premier bloc de maisons. On ne peut donc pas simplement passé par hasard et se dire : «tiens, cet endroit à l'air sympathique, entrons prendre un verre ». Non, c'est un endroit réservé aux initiés, aux fidèles affidés de la nuit parisienne, à ceux qui savent que derrière ces mûrs qui s'effritent se cache une perle rare. Relativisons quand même, l'endroit a ouvert en 2009, et huit ans se sont donc déjà écoulés sous les ponts du canal Saint-Martin depuis.

 

Réservés aux initiés, c'est vite dit. Compte-tenu du monde qui converge dans cette ruelle, on se dit quand même que c'est surtout un endroit couru et dont le positionnement a été soigneusement pensé. Car le Comptoir Général se veut un lieu alternatif, décalé, ethnique et africain, ou cubain (ou peut-être les deux, allez savoir). Mais pour avoir le plaisir de découvrir ce haut lieu des nuits parisiennes, aménagé  dans une ancienne manufacture il faut donc pénétrer dans cette ruelle, passer dans ce qui semblerait être une arrière-cour où s'entassent les cartons de livraison, et franchir la porte de l'établissement, fermée par un épais rideau de velours passablement défraichi.

 

Manoir exotique

Et l'entrée surprend, en effet. Une fois le seuil passé, nous nous retrouvons dans un long corridor, qui semble tout droit sorti d'un autre temps. Ce n'est pas sans rappeler les vieux manoirs anglais. Mais alors les très vieux manoirs. Les lambris de bois qui habillent le bas des des murs ont du connaître leurs heures de gloire mais ont depuis subi l'outrage des temps. De beaux lambris, cela s'entretient, se cire ou à la limite se vernit. Mais là, cela sent surtout son négligé. Surtout que les mûrs sont à l'avenant. Le papier peint rouge, qui imite les teintures de velours d'époque, est parti en lambeaux et laisse entrevoir le blanc des plâtres. Bon, il parait que le style miteux, c'est tendance, alors admettons. Surtout que l'on y voit aussi des traces d'anciens tableaux, preuve que les expositions vont et viennent en ces lieux. On n'y ferait pas que boire : l'art alternatif s'expose aussi ici.

 

 

 

Sur la gauche du corridor, on aperçoit une porte coulissante métallique verte qui dénote un peu avec le reste des lambris de bois. La curiosité me pousse à jeter un oeil. Nouvelle surprise. Je découvre une immense véranda, vaste espace auquel on ne s'attend vraiment pas en plein Paris. On retrouve ici l'âme de l'ancienne fabrique, les mûrs de pierres apparentes, les poutrelles métalliques, mais l'espace a été transformé, on y trouve des tables et des chaises tout droit sorties d'une école primaire, tout un tas d'objets de bric et de broc, et des plantes vertes exotiques, le tout faisant vaguement penser à un atelier d'artistes à la vie de bohème.

 

 

 

L'espace n'étant manifestement pas ouvert au public en ce dimanche matin, ou alors il faut peut-être avoir été initiés aux rites vaudous pour le savoir, nous poursuivons notre chemin dans le corridor jusqu'à arriver au comptoir, nous permettant d'obtenir notre ticket pour le Saint Graal. Nos amis avaient heureusement réservé, car l'établissement affichait déjà complet avec liste d'attente. L'accueil s'est révélé être courtois et efficace, et nous nous sommes vite retrouvés réunis pour profiter de ce fameux brunch.

 

Bar à Bobo

La salle principale est du même acabit : un espace immense (pour Paris s'entend), des plantes vertes tropicales un peu partout, une décoration un peu brut de décoffrage avec des poutres apparentes, des vieux tonneaux, et du mobilier un peu beaucoup dépareillé. On retrouve même des vieilles tables d'école. Il faut dire que le mobilier a été entièrement chiné ou trouvé chez Emmaüs. Ce qui lui donne un côté « Shabby Chic » que les BoBo affectionnent tant.

 

Le shabby chic : littéralement « chic miteux », mais dit comme cela, ça ne donne pas envie, alors que Shabby chic, cela sonne autant que Chérie come on, même si cela ne fait pas pipi loin. Le shabby chic donc est un style de décoration chic et bohême qui fait la part belle aux meubles vieillis, aux objets chinés, aux tissus à fleurs et à tout ce qu'on imagine quand on pense à la maison d'une mamie anglaise. Bon, là, on serait plutôt chez une mamie des Caraïbes ou africaine, mais vous voyez le genre.

 

 

 

Ce qui étonne le plus, c'est le bar en forme de proue de bateau, qui trône au fond de cette immense salle. Il y a même un espace aménagé au dessus qui permet de dominer l'endroit. Nous nous sommes installés juste à droite du bar, à côté du cocotier et des tonneaux. Et nous avons ainsi pu tester ce fameux mobilier shabby chic. Comment dire ? Il n'a de chic que le nom. Pour le reste, ce sont de vieux fauteuil ou canapés miteux et surtout complètement défoncés. Pas forcément de quoi crier au scandale, mais pas de quoi non plus tomber en pâmoison, comme j'ai pu le lire dans certains articles. Le shabby chic, cela donne à l'endroit un côté cosy et confortable, mais en même temps, on n'a pas peur de laisser son shabby chic trainer dans les bars. Et c'est bien là son principal avantage.

 

Le dimanche matin, le bar est réservé au brunch : on y trouve donc de multiples plateaux garnies de charcuteries, fromages et salades. Un peu de fruits, des viennoiserie, ainsi que d'une grande jarre à café et à eau chaude pour le thé. Moi qui préfère le café expresso au café filtre, me voilà servi. Mais qu'à cela ne tienne. Attaquons les plateaux, car il fait désormais faim. Je passe donc en revue le bar, et j'ai l'impression d'avoir été invité à manger une raclette plutôt qu'un brunch. Jambon cru, andouille de vire, mortadelle à la pistache, viande des grisons, coppa et chorizo, ne manque que la pancetta. Et tout cela semble sorti tout droit de chez Métro, le fameux grossiste.

 

Tiens, il y a aussi du saumon fumé avec des branches d'aneth fraîche et de la salade aux crevettes, le seul plat qui semble un tantinet cuisiné. Et pour ce qui est des viennoiseries, tout est manifestement sorti du congélateur et passé au four. Tant pis. Les jus de fruits, indispensables à tout bon brunch, sont tirés du même tonneau. Ce sont de belles bouteilles de nectars de fruits exotiques, bien trop sucrés et pas très authentiques, qu'on déguste dans de grands verres en plastique. Ce côté "cheap" m'énerve un peu. Les bars branchés que je connais versent encore leurs boissons dans des verres dignes de ce nom. Quant au verre de champagne que l'on va chercher au bar, il faut le dire : il aurait mieux fallu ne pas le servir, surtout dans un verre plastique. Avec un barman dont la désinvolture doit servir à la fois d'habit et de mode de vie.

 

Le plat chaud se trouve être un colombo de poulet, servi avec du riz. Le genre de plat que j'affectionne et dont je ne peux dire du mal. Même si cela ne relève pas de la grade gastronomie. Le plateau de fromages réserve quand même une bonne surprise. Les fromages ne sortent pas de l'ordinaire "Métro" mais le pain aux noix est lui plutôt excellent. Avec un verre de vin, cela aurait été enfin parfait.

 

Cage à Gogo

A défaut de bien déjeuner, nous avons néanmoins passé un moment plutôt sympathique et zen entre amis, et le temps d'un matin, nous avons sentis notre coeur battre à l'unisson avec celui de la boboïtude parisienne. Ou peut-être juste une heure, une heure seulement. Nos amis, qui sont pourtant du genre à aimer le Buddha-Bar et sa cuisine, pour son côté branché, ne seront pas plus convaincus que nous par le lieu.

 

Le Comptoir Général est donc un drôle d'endroit :  c'est à la fois un coffee shop, un bar tendance, un espace de coworking (on peut privatiser des salles pour des événements et des séminaires), un hall d'exposition pour l'art alternatif, et fut un temps un "thrift store".  La clientèle y est assez variée : touristes et bobos en quête de nouvelles sensations s'y côtoient sans problème. Mais au-delà du côté mode, cela sent surtout l'arnaque parisienne. Ce n'est pas parce qu'on convertit un ancien atelier en bar ethnique et alternatif en le remplissant de vieux meubles déglingués qu'on donne une âme à cet endroit.

 

Alors, à moins que vous n'aimiez cette fausse ambiance pseudo africaine, allez plutôt vous encanaillez ailleurs.

 

Le Comptoir Général
80 Quai de Jemmapes,
75010 Paris
www.lecomptoirgeneral.com
Tél : 01 44 88 20 45



26/02/2017
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